Ses yeux se baladaient entre les différents dessins. Lequel aurait l'honneur de s'imprimer à tout jamais sur son corps? Sur lequel se poserait son choix? Ses doigts frôlaient les filets d'encre qui couvraient les différents papiers. Une très grosse partie des dessins ne convenait pas à ses souhaits. Un crâne? Un serpent jeté dans une incendie? Une bonne femme pauvrement vêtue? Rien de tout ça ne lui plaisait. Pas pour la signification que devait avoir son nouveau tatouage. Il n'était pas du genre à se marquer à vie pour une raison inutile. Chacun des tatouages qui se trouvaient sur son corps avait une signification, une raison de se trouver là. Finalement, ses prunelles bleues se posèrent sur l'image parfaite. Une hirondelle. Une hirondelle prête à voler, prête à se lancer dans un vol sans fin au milieu du ciel céruléen. Une hirondelle que volerait au milieu des nuages candides, en défiant la gravité et la nature. Une hirondelle qui se déplacerait avec une aisance naturelle, qui lui permettrait de jouer avec le vent. « Je veux celui-là. » L'homme trapu dont les bras étaient littéralement couverts de tatouages haussa un sourcil, mais il ne rétorqua guère. Il savait que ce gamin pouvait parfois se montrer un peu étrange. C'est donc sans aucun problème qu'il lui montra où s'asseoir, en attendant qu'il se prépare.

Le feu. Cet être était le seul qu'il pouvait voir. Il remplissait toute la scène, en ne laissant place à rien d'autre. Ses pieds se faisaient avaler par la terre molle. Il avançait, insoucieux du danger qu'il courait. Insoucieux du fait que le feu lui léchait les mollets. Insoucieux de la mort qui le guettait. « Prim! » Son cri ne reçut aucune réponse. Ses bras envoyaient danser les ruines qui tombaient dans son chemin. Pour la première fois de sa vie, il avait peur. Peur de la perdre. Il ne voulait pas qu'elle le quitte comme ça. Il ne voulait pas que leur jeu se transforme en tragédie. Il ne voulait pas qu'elle meure à cause de son inconscience. « Prim! » Finalement, un autre cri lui répondit. Un cri de Prim. Il courut, en avançant avec difficulté au milieu des décombres. Ces décombres qui ressemblaient vaguement aux jouets qu'on avait en étant gamin. Sauf que cette fois, ce n'était pas une maison remplie de bonhommes détruite par un boulet de démolition (lisez chat en colère qui fuit du petit frère qui lui tire la queue), non. Ce n'était pas un jeu. Plus maintenant. Une flamme vint lui toucher la joue, ce qui le fit tomber sur ses genoux. Son reflet le regardait dans une plaque de métal qui se trouvait devant lui. Il se reconnaissait. C'étaient ses yeux bleus, son nez droit, ses lèvres pleines. Cependant, dans la lueur des flammes, il voyait sa peau roussie. Il voyait le côté droit de son visage, qui virevoltait vers une teinte rouge, qui contrastait avec sa peau pâle, simil-cadavérique. Il aurait pu se laisser tomber, en attendant que le feu le dévore, en attendant de devenir un amas de cendres qui se ferait emporter avec le vent. Il aurait pu attendre de devenir comme les personnes emprisonnées dans la maison, en attendant de devenir un fruit du feu. Mais il ne pouvait pas faire ça. Il ne pouvait pas laisser tomber Prim maintenant. Il sentait qu'elle avait besoin de lui. Il savait qu'elle était en danger, qu'elle était peut-être en train d'expirer à ce moment même. Et rien que l'idée que leur jeu l'ait blessée ravivait les flemmes qui le brûlaient de l'intérieur. L'idée l'effleura un moment. Prim, morte, à cause de lui. Rien que l'idée suffisait à réveiller l'haine qui le remplissait. Prim ne méritait pas de mourir. Pas à cause de son jeu stupide.

Finalement, il la trouva. « Prim! » Il la vit, allongée près d'un petit corps. Il pouvait reconnaître les petites couettes de la fillette, celle qui aimait jouet au petit cheval avec lui. L'espace d'un instant, il espéra. Il espéra que ce ne soit qu'un cauchemar. Que les couettes blondes de la soeur de Primvert continueraient à sautiller pendant qu'elle rit sur son dos, alors qu'il imite un cheval. Il espéra qu'elle soit seulement blessé. Mais, en se rapprochant de son aimée, il le comprit. Il comprit que ses yeux n'allaient plus pétiller. Que ses cheveux n'allaient plus jamais être coiffés. Cependant, c'était loin d'être la chose plus terrible qu'il aurait pu voir. Les cris de Prim l'horrifiaient. Il n'avait jamais imaginé sa fiancée crier d'une façon similaire, tellement remplie de peur, de tristesse, de mort. Elle, dont le rire était capable d'illuminer la pire des journées de Eoghan, était allongée près de sa soeur. Et elle hurlait. Elle hurlait comme si la mort elle-même s'était présentée à ses yeux. Elle hurlait. Elle hurlait qu'elle ne voyait plus rien. Eoghan aurait pu fuir, la laisser près de sa soeur. Il aurait pu se sauver, pour éviter de rester blessé. Mais il resta avec elle. Il lui prit les mains, avant de la serrer dans ses bras. « Tout ira bien. Je te le promets. »